Moins connu que la Sagrada Familia, et pourtant situé juste en face, l’Hospital Sant Pau est un bijou de l’Art Nouveau. Le ciel dans les voûtes et plafonds, un jardin d’ornements, des fleurs sur les murs, des anges volant au dessus des façades, sculptures et chimères, des croix partout. Voilà presque deux années que je vis à Barcelone à côté de ce monument splendide, sans être allée le visiter. Je me suis donc prise au jeu de la touriste dans sa propre ville. Et j’ai eu un énorme coup de coeur !
Hospital Sant Pau : une ville dans la ville
| Obtenir vos tickets sur le site officiel Barcelona TurismeL’hospital Santa Creu i Sant Pau (en catalan) fût créé pour abriter l’hôpital Santa Creu, situé au coeur de la ville, devenu trop petit pour recevoir les habitants de Barcelone.
Pour cela, Lluís Domènech i Montaner s’est rendu en Europe afin de se familiariser avec différents modèles d’hôpitaux et conçoit en 1902, l’enceinte moderniste comme une ville dans la ville, où le bien-être des patients est la priorité.
Domènech imagine un plan carré autour de deux axes diagonaux, qui constituent une croix pattée, emblème de l’ancien Hospital de la Santa Creu. 48 pavillons, tous consacrés à une spécialité médicale, sont articulés autour d’un espace central aménagé de jardins et une église.
Le projet est titanesque, les coûts de fabrication également. Il n’en sera construits que 27. En 1930, à la mort de Lluís Domènech i Montaner, c’est son fils qui sera en charge du projet. Pau Gil i Serra, un banquier fortuné de Barcelone, sera un des principaux contributeurs. L’on remarque d’ailleurs sur plusieurs façades des pavillons ses initiales. Les pavillons sont construits au rythme des investissements financiers, mais la guerre civile et la dictature de Franco ralenti les travaux.
L’ensemble du site est inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997. Après une réhabilitation commencée en 2009, la ville jardin, située dans le coeur de l’Eixample est à nouveau le chef d’oeuvre réalisé par l’architecte catalan Lluís Domènech i Montaner.Soigner le corps et l’esprit
Convaincu que l’environnement dans lequel on évolue influence la guérison, l’architecte apporte une attention particulière au bien-être des patients. C’est ainsi que chacun des 27 pavillons est isolé, pour éviter les infections, mais reliés aux autres par un dédale de tunnels souterrains, pensés pour faciliter la circulation du personnel médical et des patients. Les mosaïques en céramique aux couleurs vives égayent le quotidien des patients, et sont également pratique d’entretien en terme d’hygiène.
Au coeur de l’enceinte, les jardins permettaient aux malades de bénéficier des bienfaits du soleil, de purifier l’air par la présence de plantes et arbres, et de retenir l’humidité. L’ensemble de cette ville-jardin est époustouflant. Dès mes premiers pas dans les jardins, je ressens un sentiment de bien-être incroyable, loin de l’agitation de la ville, pourtant si proche.
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Une prouesse architecturale
Un des plus grands succès architecturaux de Domènech i Montaner, fût d’avoir joué avec la perception visuelle.
De faibles hauteurs, disposés de manière symétrique de part et d’autre des jardins, la plus petite façade côté jardin, par ces détails architecturaux, la taille réelle des pavillons est minimisée. Cet agencement dote l’ensemble d’une taille humaine, parfaitement appropriée pour un environnement hospitalier.
Chacun des bâtiments est créé selon les mêmes critères : disposition, forme, méthode de construction et structure. Cependant, les pavillons sont tous uniques. D’abord, les pavillons pour les hommes, situés à l’Est, ceux pour les femmes, à l’Ouest, portent les noms des Vierges ou Saints Patrons. Par leur décoration et ornements ensuite : couleurs des carreaux de céramique, sculptures, toits ou dômes, ornements des portes d’entrée. | Obtenir vos tickets sur le site officiel Barcelona TurismeLe pavillon administratif
Derrière cette imposante armure en fer forgée ornée d’anges — comme gardiens d’un temple secret — une cour verdoyante et son escalier, souhaitent la bienvenue aux visiteurs. L’imposante façade du bâtiment principal, encadrée par deux bâtiments perpendiculaires aux rues, toise la Sagrada Familia d’un air bienveillant.
La tour de l’horloge, comme voulant toucher le ciel, est surmontée d’une grande croix aux accents gothiques.
Les anges sont ubiquistes. Ils nous donnerons rendez-vous au fil de la visite sur différents bâtiments.-
Le hall
L’Art Moderne se cristallise ici d’une délicate manière. Les colonnes en marbre coiffées de fleurs typiques du style Domenechian, vous font lever les yeux au ciel. Un ciel couleur chamallow composé de 9 voûtes, recouvertes de céramiques émaillées, gardent précieusement les armoiries de Barcelone, les dates de début et fin des travaux, l’Alpha et Oméga, enfin, pour ne jamais oublier le Maître de Tout qu’est le Christ. L’ensemble est inondé de lumière naturelle, obsession de l’architecte et essence de la Vie.
Si le vert — omniprésent dans l’Enceinte Moderniste — est la couleur de l’espérance, le rose est celui de l’affection et de la protection. Gamme chromatique idéale pour accueillir un sponsor ou un futur patient. L’escalier d’honneur pentagonal, aux contremarches colorées, et où la Croix de Malte mène à l’étage supérieur où se situent la salle des actes de l’hôpital, la bibliothèque et la salle des archives et du secrétariat Hôpital.-
Le couloir
Les briques rouges et les vitraux des grandes fenêtres se répondent comme pour mieux se susurrer la beauté du lieu. Croix de Malte et bandeau Catalan, garnis de fleurs, s’alternent dans un balet majestueux. Ici, inutile d’utiliser l’électricité, tant ce couloir est baigné de lumière. Je jette un coup d’oeil par la fenêtre, la vue superbe, donne sur la Sagrada Familia. Il mène aux différentes salles, dont la spectaculaire Salle Lluís Domenech i Montaner.
• Sala Lluís Domenech i Montaner
Diaphane, avec ses 18 mètres de hauteur, elle offre une vision extraordinaire sur l’ensemble de l’enceinte. Entre deux anges se trouve le bouclier de l’hôpital, qui ajoute à l’ancienne l’épée du martyre de saint Paul sur une bible ouverte et le drapeau catalan. Sur l’un des murs, une mosaïque représentative d’un rideau très réussie. Au-dessus de la porte, un relief, œuvre de Pau Gargallo, représentant Sant Jordi tuant le dragon, le Patron de la Catalogne. Il symbolise la victoire de la guérison face à la maladie.
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Les jardins
Loin de l’image aseptisée des centres hospitaliers, l’ensemble, tout en rondeurs et couleurs, réconforte, rassure. Ici, de loin tout parait parfaitement symétrique. Mais lorsque l’on s’attarde sur les détails, l’on prend conscience que la perception est faussée. Chaque petit recoin, chaque ornement, chaque vitrail est différent. De subtils détails qui conservent l’harmonie de l’ensemble. Une chose est sûre, une promenade dans les jardins de l’enceinte moderniste de l’hôpital Sant Pau vaut tous les remèdes. Que j’ai aimé déambuler au grès de mes envies parmi les pavillons aux lignes courbes, féminines. De goûter au bonheur simple que de sentir les rayons réchauffant du soleil, les odeurs tant familières pour moi de ma Provence natale — lavande et la fleur d’oranger. C’est un vrai petit paradis au coeur de la grouillante Barcelone.| Obtenir vos tickets sur le site officiel Barcelona Turisme
Les pavillons des malades
Aujourd’hui, seuls deux pavillons (San Salvador et San Rafael) peuvent être visités. Les autres étant dédiés à des entreprises de R&D.
Pavillon de Sant Salvador
Lieu d’exposition, c’est le premier pavillon mis en service et le dernier a avoir retrouvé ses lettres de noblesse.
Au premier étage, l’histoire de l’hôpital Santa Creu i Sant Pau est conté au travers de maquettes, et matériel médical. Le deuxième étage est, quant à lui, la résidence d’un dragon — symbole moderniste. Dans les entrailles de l’animal, photographies et vidéos de l’histoire de Domènech i Montaner, tour à tour Maître et animal, intellectuel et passionné. La lumière diffuse, les mosaïques et l’éclairage de l’installation plongent les visiteurs dans le XXème siècle.
Associé au rose réconfortant du hall, le vert d’eau du pavillon Sant Salvador guéri, apaise les blessures du coeur. Le lâcher-prise est facilité, le futur, optimiste et rempli d’espoir.
Domènech i Montaner fait tomber les frontières entre extérieur et intérieur. Les fleurs s’invitent partout, jusque sur les murs.
« Le regard du patient dévisagerait les nombreuses décorations florales qui ornent les murs. Ainsi, ceux étant incapables de promener dans les jardins, auraient eux aussi, un petit bout de nature ».
Enfin, la merveilleuse lumière, réconfortante et chaleureuse.
| Obtenir vos tickets sur le site officiel Barcelona TurismePavillon de Sant Rafael
Dès l’entrée, l’autel dédié à Saint Rafael. Tous les pavillons en disposaient, habituellement dédié au Saint qui leur donnait son nom. On célébrait la messe et, le jour du saint en question, il était garni de fleurs et plantes.
Sur les faïences qui tapissent les murs, la présence de la lettre R de Rafael Rabel, un des mécènes de l’hôpital, et d’autres éléments décoratifs comme la Croix de Malte et les bandes décoratives de Catalogne.
Dans la salle des malade étaient disposés lits et petites tables de chevet. La rotonde, une salle de jour, lumineuse, imaginée tel un salon et espace de loisirs, servant aux patients pour recevoir des visites.
Un enfant dans la façade
Alors que le pavillon de Sant Rafael était en construction, Ricard Domènech i Roura, un des enfants de l’architecte, mourut d’une bronchopneumonie. Pour honorer sa mémoire, Domènech demanda au sculpteur Eusebi Arnau de représenter le saint Raphael qui accompagne Tobie dans la façade du pavillon avec le visage de Ricard.
| Obtenir vos tickets sur le site officiel Barcelona TurismeLe Pavillon des Opérations
Situé au milieu de l’axe central, c’est un pavillon unique. La façade septentrionale se pare de vitres immenses embrassant les deux étages où se situent les salles des actes. Une pièce diaphane au rez-de-chaussée, de forme hexagonale était la salle d’opération principale. Sa verrière, ainsi que l’abside recouverte de vitres opaques — protégeant des regards, apportent une luminosité incroyable. Postés en demi-cercles, les étudiants en médecine pouvaient observer les opérations.
Deux autres salles d’opérations au premier étage, des deux côtés de la façade arrière pour les opérations mineures. Sur la façade extérieure du pavillon, une frise à l’étage supérieur représente des aigles héraldiques dans des tons bleus couronnés par le nom d’illustres médecins catalans.Le pavillon central
Situé au milieu de l’esplanade et jardins, à l’extrême opposé du pavillon administratif, il s’agit en fait d’un ensemble de trois bâtiments reliés entre eux. Ils abritaient le couvent des soeurs de l’hôpital, les dépendances de la cuisine et les services de pharmacie.
Ce bâtiment se démarque des autres éléments par sa sobriété. Le manque de subventions obligent au fils de revoir les plans initiaux de son père. Par manque de temps et afin de terminer les travaux, un étage a été également supprimé des plans définitifs.À SAVOIR
Informations Depuis 2009, l’hôpital se situe dans la partie moderne du site. L’enceinte moderniste est, depuis, ouverte à la visite, mais également centre culturel, de conférences et lieu d’expositions. Acheter vos tickets d’entrée sur le site officiel Barcelona Turisme Prix : 16€ adulte / 3€ audio-guide – Gratuit tous les 1ers dimanches du mois
L’enceinte moderniste de Sant Pau Carrer Sant Antoni Maria Claret, 167, 08026 Barcelona
Comment aller à l’hôpital Sant Pau ? Métro L5 (bleue) arrêt Sant Pau/Dos de Maig – bus H8, 19, 20, 45, 51, 92, 117 or 192.